Restauration de la salle des fêtes
L'institution
Mise à jour le 11/01/2017
La mairie du plus vaste arrondissement parisien mérite bien sa dimension : travaux d'agrandissement de la mairie du 15e
La Mairie du 15e, comme toute autre, est avant tout la maison de tous les habitants. C'est un lieu essentiellement administratif mais qui permet aussi aux administrés de se retrouver lors des événements qui rythment l'année. A chaque mairie son architecture, son histoire, ses souvenirs et ses animations. Le 26 octobre 1913, le conseil municipal approuve le projet d'agrandissement de l'architecte Léon Jaussely. 5 477 500 francs furent nécessaires pour permettre la surélévation de l'aile gauche de la mairie et la reconstruction de l'aile droite comprenant une nouvelle salle des fêtes au 1er étage. Les travaux, retardés par la Première Guerre mondiale, s'étaleront de 1924 à 1928.
Les plus grandes œuvres ont une signature : les artistes de la salle des fêtes
Pour aller de pair avec la taille de la salle et l'importance du lieu, il fallait des décorateurs de talent. Si Léon Jaussely est l'architecte à l'origine de l'édification de la salle des fêtes, ce sont Henri Rapin, Charles Hairon, Octave Guillonnet et Paul Szabo qui ont laissé s'exprimer leur talent dans l'embellissement et la décoration de l'espace.
Outre son savoir-faire d'illustrateur, Henri Rapin était un peintre et un décorateur reconnu comme une véritable personnalité de l'histoire des arts décoratifs français au début du 20e siècle. En 1905, il peint une série de toiles sur le thème de l'Eucharistie pour la cathédrale de Besançon. Maîtrisant aussi bien l'art nouveau que l' art-déco, il est à la fois directeur artistique du Comité des dames de l'Union centrale des arts décoratifs et conseiller artistique de la Manufacture de Sèvres. Il remporte le concours restreint organisé par la mairie en juin 1927, gagnant le privilège de pouvoir s'atteler à un nouveau projet : la salle des fêtes de la mairie du 15e arrondissement. Il sera aidé par Charles Hairon en ce qui concerne les sculptures et le mobilier. Il prend également sous sa direction un certain Guillonnet.
Octave Denis Victor Guillonnet est notamment connu pour être l'un des illustrateurs de l'Arlésienne d'Alphonse Daudet et pour avoir exposé de nombreuses années au Salon de peinture et de sculpture, une manifestation d'importance dans le domaine de l'art aux 18e et 19e siècles.
Le ferronnier Paul Szabo apporte son habileté à manier le fer forgé et vient compléter la liste de la grande équipe des hommes qui ont contribué à l'embellissement de la salle des fêtes du 15e arrondissement.
En fond de salle se trouve un médaillon peint au plafond portant l'inscription suivante : « Le 31 décembre 1928, cette salle a été achevée. Monsieur Paul Bouju étant Préfet de la Seine. Monsieur Paul Barruel, Maire. Messieurs : Alphonse Cherioux, Lionel De Tastes, Auguste Besombes et Louis Duteil, conseillers municipaux. Décoration générale de la salle, peintures décoratives, ameublement Henri Rapin. Peintures au centre du plafond O.D.V. Guillonnet ». Comme pour rendre hommage à ceux qui ont fait l'histoire de la salle des fêtes de la mairie du 15e, le visiteur doit lever les yeux au ciel pour lire leurs noms.
Les artistes ont disparu, leurs œuvres vivent pour toujours : les décorations de la salle des fêtes
Henri Rapin devient le maître d'œuvre de l'ensemble de la décoration de la salle des fêtes et y impose sa touche art-déco. Il y réalise le décor de toiles ainsi que les peintures décoratives périphériques de la voûte représentant les quatre saisons. Au printemps, à l'ombre d'une arche fleurie, un jeune homme profite de la saison des amours pour plonger ses yeux dans ceux d'une jeune fille au regard lointain. Deux oiseaux blancs se tiennent compagnie alors qu'à quelques mètres une mère tend les bras vers son enfant qui marche à sa rencontre. Sous l'œil attentif de son chien, un berger mène son troupeau paître dans un champ irrigué par le ruisseau tout proche. Avec la chaleur de l'été les corps se dénudent et les plus chanceux se baignent pour se rafraîchir. Au plaisir se mêle le dur labeur de la terre, plusieurs femmes et hommes travaillant les champs sous un soleil de plomb. Une femme profite de l'eau claire du ruisseau pour y laver son linge. L'automne s'annonce et deux femmes rassemblent des fruits sur de grands plateaux débordant de raisin, qui sera bientôt pressé et transformé en vin. Gelée par l'hiver, la mare de jadis sert de patinoire naturelle aux enfants du village. Un vieil homme et une femme se réchauffent près d'un feu tandis que l'on s'active pour couper du bois, pêcher et ramener du gibier de la forêt voisine.
Henri Rapin réalise également le plan grand format de la ville de Paris et fait, avec Charles Hairon, une bonne part des décors sculptés, du mobilier et des lustres de la salle.
Octave Guillonnet se charge de la composition centrale de la toile marouflée de la voûte à travers une œuvre en trois panneaux qui met en avant une sarabande céleste et bucolique. La scène représentant des personnages dénudés virevoltant sur fond de ciel bleu autour des armoiries de Paris traverse la salle sur toute sa longueur. Les armoiries de Paris, bien que changées sous le Premier Empire et sous la IIe République, datent de 1358 et de l'époque du Roi Charles V. La devise de Paris y est inscrite, Fluctuat nec mergitur, signifiant « Il est battu par les flots mais ne sombre pas » ou « Il flotte sans être submergé ». La ferronnerie de la salle est l'œuvre de Paul Szabo.
Une qualité reconnue et un patrimoine protégé
A la demande de Philippe Goujon, député-maire du 15e, l'ensemble de la décoration de la salle des fêtes est inscrit à l' inventaire supplémentaire des monuments historiques par l'arrêté ministériel du 6 avril 2011. La préfecture d'Ile-de-France, préfecture de Paris, déclare que les façades et les toitures de l'aile droite abritant la salle des fêtes et la salle des fêtes en totalité sont inscrites au titre des monuments historiques. La préfecture rappelle que le travail effectué par l'équipe de Henri Rapin «présente au point de vue de l'histoire et de l'art un intérêt suffisant » et ne manque pas de souligner « la qualité de son exécution et des techniques employées » ainsi que « la qualité d'un ensemble homogène et complet témoin de grands décors officiels des années trente ». Aujourd'hui encore, les staffs (faux plafonds et éléments d'ornements), les sculptures, les menuiseries d'art, le lambris général bas, les lustres et la magistrale voûte font partie de l'un des rares décors monumentaux de style art-déco conservés à Paris.
« La joie de l'âme est dans l'action » : première inauguration de 1929
Empruntée au poète anglais Percy Bysshe Shelley, la devise d'Hubert Louis Lyautey est restée célèbre. Celui que l'on connaît en tant que général Lyautey fut militaire, ministre de la Guerre sous Raymond Poincaré lors de la Première Guerre mondiale, maréchal de France, président d'honneur des Scouts de France et académicien. En compagnie du maire Paul Barruel, d'Adolphe Chérrioux et des élus de l'arrondissement, il eut l'honneur de présider l'inauguration de la salle des fêtes de la mairie du 15e le samedi 16 février 1929. Est né ce jour-là un espace particulier, un lieu à la fois symbolique et historique à l'actualité très riche et diversifiée. La mécanique était enclenchée : la salle des fêtes de la mairie du 15e arrondissement fonctionne comme une arche solide de quatre murs, éclairée par d'immenses fenêtres, sublimée par de gigantesques peintures qui ornent son plafond, prête à traverser les siècles et à accueillir en son sein les manifestations les plus variées.
La salle des fêtes s'offre une nouvelle jeunesse : à l'heure de la restauration
C'était une des promesses de la mairie du 15e en forme de bonne résolution pour l'année 2012 : proposer une salle des fêtes restaurée afin d'accueillir comme il se doit les nombreux événements organisés par l'arrondissement. Une salle des fêtes « made in 15e » en quelque sorte. Pas besoin en effet de chercher bien loin pour trouver des entreprises de qualité : les travaux de restauration se sont déroulés sous la direction de la Section Locale d'Architecture du 15e aidée par la Gare architecte, spécialisée dans la restauration des monuments historiques. Sous la direction de l'architecte du patrimoine Luc Joudinaux, une équipe d'experts, d'ingénieurs, d'acousticiens et d'historiens a su concilier les différentes tâches, pour établir un programme permettant de restaurer les œuvres au plus près de leur aspect d'origine, avec le respect des techniques du passé et l'ancrage dans un urbanisme moderne. Cela dans le but d'obtenir une modernisation des locaux, incluant l'installation d'une sonorisation performante et le respect des normes thermiques et acoustiques de la salle. L'atelier Meriguet-Carrière situé dans le 15e, et qui reçoit grâce à sa réputation des commandes du monde entier, a assuré la restauration des décors. Son professionnalisme et sa connaissance des archives l'ont mené à découvrir, au sein de la Médiathèque de l'Architecture et du Patrimoine, une série de plaques photographiques des peintures de Henri Rapin datant de la fin des travaux initiaux. Cette percée à jour des archives Druet-Vizzavona a permis de restaurer les peintures au plus proche de leurs traits d'origine, mais également de restituer 7 toiles perdues par l'usure et par le temps. Sans oublier la remise en état des banquettes et des lustres. La restitution des rideaux d'origine, portés manquants de longues années, est venue mettre un point final aux travaux de restauration.
Les travaux ont été financés par la Mairie de Paris et par la Mairie du 15e arrondissement, cette dernière voulant s'assurer du respect et de la protection du patrimoine architectural de l'arrondissement tout en permettant à ses habitants de jouir d'une salle des fêtes agréable.
Une salle « des fêtes » qui porte bien son nom : lieu d'art, de culture, d'émotion et de rencontres
Pendant de nombreuses années et même après la dernière grande Guerre, la salle des fêtes accueillait chaque samedi un bal offert à la population. Propice aux rencontres et aux souvenirs, ce bal était gratuit -mais sans buffet- et jouissait d'une excellente réputation.
En 2010, la salle des fêtes a accueilli plusieurs concerts dont celui de la garde Républicaine, un concert de clarinettes par l'orchestre Ebène Bleu, le concert de clôture de l'armée française, mais aussi plusieurs chorales dont la rencontre inter chorale des écoliers du 15e et le concert de la chorale de l'école Normale catholique. Emplis de la joie fidèle des habitués, les rendez-vous ponctuels mais aussi les événements proposés par la mairie du 15e arrondissement n'attendent que votre visite : le festival annuel du livre « Paris se livre », le bal traditionnel du 14 juillet, la fête de la Saint-Yves ou encore le grand loto. Voguant entre animations familiales à l'attention des plus jeunes, expositions pointues et réunions d'information, la salle des fêtes s'est imposée au fil des années comme le lieu incontournable de la culture, du partage et du spectacle. La mairie du 15e arrondissement, lieu administratif et politique d'importance, a su se pourvoir d'un caractère festif et unificateur pour les habitants qui aiment à s'y retrouver.
C'est finalement le 4 janvier 2012 que la salle des fêtes est inaugurée, après restauration, en présence du Maire et de toute l'équipe municipale. Les travaux de restauration magistralement conduits par l'Atelier Mériguet-Carrière, financés par la Mairie du 15e et par la Mairie centrale ont redonné aux décorations leurs couleurs d'autrefois. Au rythme des murmures des conversations, des claquements de couverts et des notes de l'orchestre, une nouvelle année riche en rencontres et en émotion s'annonce dans la salle des fêtes de la mairie du 15e arrondissement.
© Photographies : Florence Morisson - Ghislène Fonlladosa - Frédéric Dibiasi