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Évènement

Expositions Journées du Patrimoine

Mise à jour le 17/09/2021
En cette édition 2021 des Journées du Patrimoine, la Mairie du 15e s’est associée à la Ruche pour honorer des sculpteurs illustres de notre arrondissement. Deux expositions sont organisées à la Ruche, au 2 passage de Dantzig, l’une sur son fondateur, Alfred Bouchet, et l’autre sur André Barelier, membre de la Ruche décédé en 2021. Une exposition de panneaux en Mairie est organisée du 14 au 20 septembre, qui traitera de la statuaire dans le 15e arrondissement ainsi que des ateliers d’artistes.

EXPOSITION EN MAIRIE

Du 14 septembre au 21 septembre se tient dans le hall de la Mairie une exposition de panneaux, produits par la Société Historique et Archéologique du 15e, qui portent sur la statuaire dans le 15e arrondissement. A l'étage, en Salle Grenelle, une exposition sur les ateliers d'artiste est organisée.

PORTRAIT ALFRED BOUCHER :

Crédit photo : @cabMairie15

par Ernest Pignon-Ernest

Alfred Boucher était issu d’une famille modeste. Son père était le jardinier du sculpteur Marius Ramus à Nogent-sur-Seine.
C’est dans ce contexte que le jeune Alfred a commencé à modeler de la terre et que Ramus a remarqué ses talents.
Grâce à l’aide financière de la municipalité de Nogent et du département de l’Aube, il a pu intégrer l’Ecole des Beaux-arts de Paris en 1869. Il en sera un brillant élève, distingué par de nombreux prix, de nombreuses médailles.
Grand prix du salon de 1881 pour sa sculpture « Piété filiale » et, 5 ans plus tard, son oeuvre « Au but », par la nouveauté du sujet, affirmant le rôle social du sport dans le contexte des Jeux Olympiques de 1900, aura un très grand retentissement. On peut en voir aujourd’hui un exemplaire au format réduit dans le jardin de la Ruche.
S’enchaînent alors de nombreuses commandes officielles : bustes de têtes couronnées et de personnalités du monde de la politique et de la culture.
Après avoir ainsi gagné beaucoup d’argent, Alfred Boucher crée en 1902 le musée de Nogent-sur-Seine en reconnaissance du financement de ses études. La même année, n’oubliant pas les difficultés de ses débuts, sur un terrain de 5 000 mètres carrés acheté par hasard lors d’une promenade, il se lance dans la création d’une sorte de phalanstère d’artistes qui deviendra la Ruche. Il achète le pavillon des Vins de Bordeaux de l’Exposition Universelle, une structure métallique conçue par Eiffel dont la forme donnera son nom à la Ruche. Il y conçoit les 48 premiers ateliers.
Avec l’aide de son neveu Albert, toujours à partir d’éléments récupérés de l’exposition Universelle en déconstruction, acquis avec ses propres deniers, il entreprend la réalisation de deux autres bâtiments, environ une centaine d’ateliers, d’une académie, d’un lieu d’exposition, et plus tard d’un théâtre.
Paris était alors la capitale mondiale de l’art : arrivaient à la Ruche des artistes de tous les continents, les tous premiers fuyant les pogroms d’Europe Centrale. Ils allaient inventer l’Ecole de Paris. On a souvent salué le rôle de mécène d’Alfred Boucher, son immense générosité, le peu d’attention qu’il portait aux loyers non payés. Mais sa très grande générosité est aussi d’avoir donné les moyens de s’exprimer à des artistes dont les propositions, à l’opposé de ses conceptions, l’ont écarté de l’histoire de l’art.
C’étaient Soutine, Chagall, Fernand Léger, Krémègne, Zadkine, Kikoïne ; leur gloire a éclipsé la sienne.

ANDRÉ BARELIER À LA RUCHE DU 8 AU 19 SEPTEMBRE 2021 :

par Thierry MELOT

Sa haute silhouette, déambulant entre son atelier des sculptures, son atelier des dessins, et sa maison, hantera pour longtemps l’univers protégé de la Ruche, ce phalanstère à l’écart du temps, caché au cœur du 15ème arrondissement autour de son jardin mélancolique.
André Barelier, né en mai 1934, y vivait et travaillait depuis une cinquantaine d’années. Il y a produit l’essentiel d’une œuvre éloignée des emballements du marché de l’art contemporain. Il lui opposait orgueilleusement sa quête de perfection figurative, et les sources de filiation auxquelles il puisait inlassablement pour enraciner son travail et sa vie : la mer Égée, la Grèce orthodoxe, les cycladiques, la Renaissance italienne, pour ascendants ; Degas, Camille Claudel, Giacometti, Balthus pour cousins ; et César pour grand-frère marseillais et protecteur, qui l’avait pris sous son aile et aidé à rencontrer Paris.
Passées les années d’étudiant désargenté et le Premier Grand Prix de Rome qui lui permit une parenthèse enchantée aux côtés de son épouse la sculptrice Brigitte Baumas à la Villa Médicis, Il rencontre tôt le succès auprès des collectionneurs, séduits par son incomparable maîtrise de la terre, du bronze, des patines et du dessin préparatoire où il excelle, visitant sans relâche le monde de l’atelier, qui est sa vie et le champs clos de son œuvre. Paris adopte les Barelier.
La rencontre avec les maîtres du cinéma italien, Fellini, Antonioni, lui fait trouver ce qui fera pour longtemps sa facture et son originalité : le cadrage. Hanté par l’inaccessibilité, la perfection, la fragilité du modèle féminin, celui de la jeune fille, il l’insère dans une mise en scène théâtrale, une forme de distanciation, qui éloigne et protège à la fois, met en suspend le mystère avant de le laisser voir. Échappant à l’air du temps des seventies, au moyen de ces boites de Pandore aux proportions parfaites, Barelier montre, mais sans livrer tout à fait, et garde pour lui l’intime, le secret, la dérive vers Eros. Il dialogue en pourvoyeur virtuose avec la quête universelle de la beauté, qui l’emmène de Longus à Balthus, de Ronsard à Cranach, de Praxitèle à Modigliani.
Puis, comme agacé par la facilité avec laquelle le succès et les marchands sont venus à lui, il prend ses distances avec cette sensualité diffuse qu’il renie alors qu’elle séduit, et cherche œuvre après œuvre à jeter les masques. Il abandonne les jeunes filles par trop balthusiennes de ses débuts pour explorer les thèmes plus austères du quotidien, de l’atelier encore et toujours, de la maturité en l’homme, de l’amoureuse en chaque femme, du hasard des destins, du jeu de carte qu’est l’existence de chacun. Il fouille inlassablement la figure du père, fort, silencieux, taciturne, exilé de Smyrne, trop tôt veuf, dont il poursuit la prégnance du malheur dans les bustes de vieillards perdus dans leurs songes. Barelier maître reconnu, enseignant aux Beaux-Arts, doué d’une main virtuose, explore sa sensibilité à vif d’orphelin en manque d’amour, cheminant entre le doute et la quête de soi, déchiré par la soif de vivre opposée au besoin de créer qui seule apaise l’angoisse omniprésente.
A nouveau il trouve la solution dans l’exploration du cadre, qui enferme la figure répétée de l’atelier, microcosme et matrice à la fois de l’œuvre de l’artiste, abri et source de vie de l’homme, qu’il décline inlassablement jusqu’au splendide autoportrait au miroir, dans lequel Barelier interroge un André insondable portant à ses lèvres la chevalière de son père.
La maturité vient avec la question qui le taraude : comment passer du talent à l’œuvre ? Comment exister entre les vanités du monde et l’exigence d’absolu ? Comment échapper aux corruptions du marché, mais faire œuvre et en vivre ? André était également un conteur ensorcelant, usant de la ronde des mots pour dire la vie, pour aller ensuite au silence des images et des formes qui fondent l’œuvre, une œuvre qui s’oriente vers une simplification magistrale. Les jeunes filles, les hommes, les femmes réduits au minimum vital, désindividualisés, asexués, concentrés en l’essentiel de leur humanité primale, mais désespérément touchés par la grâce, sortent peu à peu du cadre de la sculpture et de la brume de la peinture, qui finissent par se confondre dans les hauts reliefs de la dernière décennie pour aller vers la liberté, ou bien le ciel, ou le néant. Le Barelier de la fin n’a plus besoin d’artifices, de cadres. Son œuvre, dans ses derniers pas, s’échappe pour vivre par elle-même et rejoindre ses maîtres.
Le marché et les marchands commençaient à l’oublier, alors il a laissé tomber son crayon le 16 avril 2021. Ses enfants Estelle et Romain, Ernest
Pignon-Ernest, ses amis fidèles, la fondation Jérôme Seydoux et toute la Ruche, rendent ici hommage à son incomparable talent.

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